Lettre de Pêro Vaz de Caminha au roi portugais dom Manuel 1er
Le premier texte de la littérature brésilienne est la célèbre lettre de Pêro Vaz de Caminha au roi portugais dom Manuel 1er. Voyageant à bord de la nef de Pedro Álvares Cabral, ce bourgeois portugais rédigea, jour par jour, du 22 avril au 1er mai 1500, la chronique « du bonheur de la ‘‘découverte’’ ».
La « différence » y est perçue avec bienveillance et sans idéalisation. Pêro Vaz de Caminha trace un portrait rigoureux des Amérindiens, confirmé ultérieurement par les ethnologues. Leur rencontre qui, bien sûr, se déroule sans échange verbal, est placée sous le signe du rire. L’« innocence », la simplicité, la belle allure des Indiens inspirent de la sympathie aux navigateurs portugais. Les tribus rencontrées alors appartiennent au groupe tupi-guarani. On estime à deux millions cinq cents mille le nombre d’indigènes à l’arrivée de Cabral, vivant de chasse, de pêche et de cueillette. Caminha décrit en particulier la méthode portugaise consistant à abandonner sur les rivages des proscrits voyageant à bord des nefs afin qu’ils apprennent la langue locale : ils devenaient ainsi des informateurs privilégiés et les premiers agents d’une culture métissée.
La lettre de Pêro Vaz de Caminha n’a été entièrement publiée qu’au XIX siècle.
« Le départ de Belém, comme vous le savez, Sire, a eu lieu le lundi 9 mars ; et le samedi 14 du même mois […] nous nous trouvâmes dans les îles Canaries […] et le dimanche 22 du même mois, vers les dix heures, nous aperçûmes les îles du Cap-Vert, c’est-à-dire l’île de Saint-Nicolas […] Nous poursuivîmes notre route sur cette mer droit vers le large, jusqu’au mardi de l’octave de Pâques, c’est-à-dire le 21 avril où nous rencontrâmes quelques indices d’une terre alors que, selon les pilotes, nous étions à 660ou 670 lieues de l’île susdite. […] Le lendemain matin mercredi, nous rencontrâmes des oiseaux […] et ce jour-là, à l’heure de vêpres, nous aperçûmes la terre : d’abord un grand mont très élevé et arrondi au sud duquel se trouvaient d’autres montagnes plus basses, puis une plaine couverte de grandes forêts ; et le commandant donna à ce grand mont le nom de Mont Pascal, et à la terre, le nom de Terre de la Vraie-Croix.
[…]
Alors on fit mettre à l’eau chaloupes et canots […] des hommes accoururent sur le rivage, par deux, par trois, de sorte que lorsque la chaloupe atteignit l’embouchure, il y avait dix-huit ou vingt hommes à peau cuivrée, tous entièrement nus, sans rien qui couvrit leurs parties honteuses ; ils avaient des arcs à la main ainsi que des flèches […] Or Afonso Lopes, notre pilote, se trouvant dans l’une des caravelles par ordre du commandant , en homme décidé et plein de ressources qu’il était, sauta aussitôt dans le canot pour sonder l’intérieur du port et y fit monter deux de ces hommes de l’endroit, jeunes et bien faits, qui étaient dans une pirogue ; l’un d’eux tenait un arc et six ou sept flèches, et sur le rivage il y en avait beaucoup avec leurs arcs et leurs flèches et ils n’en firent pas usage. Le pilote les conduisit sur-le-champ, la nuit étant déjà tombée, auprès du commandant où on les reçoit avec grand plaisir et où on leur fit fête.
Voici comment ils sont : la peau cuivrée tirant sur le rouge, de beaux visages, des nez beaux et bien faits. Ils sont nus sans rien pour se couvrir ;[…] ils ont sur ce point la même innocence que pour ce qui est de montrer leur visage. L’un comme l’autre avaient la lèvre inférieure percée, avec chacun un ornement blanc en os passé dedans, long comme la largeur d’une main, gros comme un fuseau de coton, acéré au bout comme un poinçon ; ils les introduisent par l’intérieur de la lèvre, et la partie entre la lèvre et les dents est faite comme la base d’un tour d’échecs ; ils les portent coincés là de telle sorte que cela ne leur fait pas mal et ne les gêne ni pour parler, ni pour manger, ni pour boire. Leurs cheveux sont lisses et ils étaient coupés, mais coupés courts plutôt que ras, et tondus jusqu’au-dessus des oreilles […] On leur donna à manger du pain et du poisson cuit, des confiseries, des gâteaux aux épices, du miel et des figues sèches, ils ne voulurent presque rien avaler de tout cela, et s’ils goûtaient quelque chose, ils le jetaient aussitôt ; on leur apporta du vin dans une coupe, ils y trempèrent à peine les lèvres, mais cela ne fut pas de leur goût et ils n’en voulurent plus ; on leur apporta de l’eau dans un hanap, ils en prirent une gorgée et n’en burent plus ; ils se rincèrent seulement la bouche et la recrachèrent. L’un d’eux vit les grains blancs d’un chapelet, il demanda par gestes qu’on le lui donnât, s’amusa fort, le mit à son cou et puis l’ôta et en entoura son bras : et il désignait la terre et puis les perles et le collier du commandant, semblant dire qu’ils donneraient de l’or en échange. C’est là ce que nous comprenions car tel était notre désir. Mais s’il voulait dire qu’il aurait aimé emporter le chapelet et aussi le collier, nous ne voulions rien entendre car nous n’allions pas lui en faire présent ; ensuite il rendit le chapelet à celui qui le lui avait donné et voilà qu’ils s’allongèrent sur le dos à même le tapis sans se soucier le moins du monde de cacher leurs parties honteuses, lesquelles n’étaient pas circoncises et avaient leurs toisons soigneusement rasées. Le commandant donna ordre de leur mettre à chacun un coussin sous la tête […] ; on jeta sur eux un manteau, ils l’acceptèrent, restèrent couchés et s’endormirent.
[…]
Le samedi matin le commandant donna ordre de mettre à la voile et nous nous dirigeâmes vers l’entrée du port qui était très large et profonde de 6 à 7 brasses ; […] le mouillage dans ce port est si vaste, si beau et si sûr qu’il peut y tenir plus de deux cents nefs et caravelles. Donc, dès que les nefs furent en place et à l’ancre, tous les capitaines vinrent ici sur la nôtre et le commandant ordonna à Nicolau Coelho et à Bartolomeu Dias d’aller à terre pour reconduire les deux hommes et les laisser aller avec leurs arcs et leurs flèches ; il leur fit donner à chacun une chemise neuve et un bonnet rouge et deux chapelets à grains blancs en os qu’ils portaient au bras, et à chacun des grelots et des clochettes ; il envoya avec eux pour rester à terre un jeune proscrit, […] du nom de Afonso Ribeiro, chargé de se mêler à eux et de connaître leur façon de vivre et leurs costumes
[…]
Nous parcourûmes les lieux, examinant cette rivière qui a une eau très abondante et très bonne […] sur l’autre rive beaucoup d’indigènes étaient en train de danser et de se divertir les uns en face des autres […] Diogo Dias, l’ancien intendant de Sacavém, qui est un plaisant boute-en-train, traversa alors le fleuve, emmenant avec lui un de nos cornemuseux avec son instrument, et il se mit à danser avec eux en les prenant par l main et eux s’amusaient et riaient et le suivaient fort bien au son de la cornemuse.
Ils me paraissent gens d’une telle innocence que si on pouvait les comprendre et qu’ils nous comprissent, ils seraient bientôt chrétiens car ils n’ont pas de croyance et n’en connaissent aucune, à ce qu’il semble. Et par conséquent si les proscrits qui doivent demeurer ici apprennent bien leur langage et les comprennent, je ne doute pas que, selon les intentions de Votre Altesse, ils se fassent chrétiens et embrassent notre sainte foi : qu’il plaise à Notre-Seigneur de les y amener. Car il est certain que ces gens sont d’une bonté et d’une simplicité entière et tout sceau dont on voudra les marquer s’imprimera bien vite en eux ; et si Notre-Seigneur leur a donné de beaux corps et de beaux visages comme à des hommes accomplis, et s’ils nous a conduit ici, je crois que ce n’était pas sans raison ; c’est pourquoi, puisque Votre Altesse a un tel désir de répandre la sainte foi catholique, elle doit s’occuper de leur salut et s’il plaît à Dieu, cela se fera sans trop de peine.
[…]
Cette terre, Sire, de l’extrémité la plus au sud que nous ayons vue jusqu’à l’autre extrémité vers le nord que nous pûmes voir depuis ce port semble être si vaste qu’à mon avis il y a bien 20 ou 25 lieues de côte. Elle présente le long de la mer en quelques endroits de grandes élévations, les unes rouges et les autres blanches, et la terre au-dessus est toute plate et couverte de grandes forêts. D’un bout à l’autre, ce n’est qu’une grève plane comme la paume de la main et très belle. A l’intérieur, depuis la mer, elle nous semble très grande, car à perte de vue nous ne pouvions apercevoir que terre et forêts et le pays nous paraissait fort étendu. Jusqu’à présent nous n’avons pu savoir s’il y a de l’or ou de l’argent ni aucun objet de métal ou de fer, et nous n’en avons pas vu. Mais la terre elle-même jouit d’un air excellent, aussi frais et tempéré que celui d’entre Douro et Minho […] il y a de l’eau en abondance, à profusion. Et cette terre est si plaisante que, si l’on veut en tirer profit tout pourra y être cultivé grâce à la quantité d’eau qu’elle possède. Mais le meilleur fruit que l’on puisse en tirer, à mon avis, ce sera de faire le salut de ces gens et telle doit être la première graine que Votre Altesse doit semer »
(Pour lire cette lettre dans son intégralité : La découverte du Brésil, Paris, Les Editions Chandeigne, 2000)
Les témoignages concernant le « Nouveau Monde » affluent pendant tout le XVIe siècle. Ils fascinent les lecteurs européens. Les navigateurs qui, après Cabral, explorent le littoral brésilien vont cependant porter sur les Indigènes un regard moins bienveillant que Pêro Vaz de Caminha. C’est qu’ils découvrent que l’anthropophagie est le rituel le plus important de leur vie sociale et religieuse.
Aussi dans sa Lettre sur le Nouveau Monde, Amerigo Vespucci fait-il remarquer que les « Sauvages et Sauvagesses » simples et innocents sont également des monstres, puisqu’ils s’adonnent au cannibalisme. Dans d’autres récits, ils apparaissent comme «des hommes sauvages, nus, féroces et anthropophages ».
L’Européen va donc poser sur l’Indien un regard extérieur ambivalent, fait à la fois de répulsion pour ses mœurs barbares et de nostalgie pour l’état de pureté édénique dans lequel ils semblent vivre.
Dans mes prochaines interventions liées à ce thème, je citerai trois écrivains français de cette époque dont les textes permettent de comprendre comment, au XVIe siècle, on passe déjà d’une parole exclusive ou « excluante » (l’Indien est occulté ou inventé) à une parole « transgressive » (d’acceptation de l’Autre et de sa différence).
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