ASSOCIATION CULTURELLE « BRASIL AZUR »

                    Association loi 1901 à but non lucratif, indépendante et pluraliste
 

 
Présidente : Filomena JUNCKER, ex-IOOSS (Université Côte d’Azur, CTEL, Nice, FRANCE)

Vice-Président : Celson LIMA (Université de Santarém, UFOPA, Amazonie,
BRÉSIL)

Bureau et Conseil d’Administration : Consulter l’Association

 

 

Filomena Iooss et Celson Lima, devant la ligne de séparation des eaux des fleuves Amazone et Tapajós, Été 2012

 

 

Texte fondateur

 

Quinze fois la surface de la France, le Brésil est le plus grand pays de l’Amérique latine et sans doute celui qui, dans un avenir proche, saura s’imposer comme l’une des puissances internationales majeures.

Facile est de constater que, dans les pays européens en particulier, l’imaginaire sur le Brésil est façonné par des stéréotypes plutôt favorables. La violence dans les favelas n’a jamais étouffé le rêve d’exotisme et de liberté que le Brésil suscite depuis sa découverte en 1500, par les Portugais. Virtuoses aussi bien de la musique que du ballon de foot, respirant une joie de vivre sensuelle, les Brésiliens ont toujours su mériter des photos-clichés sympathiques, mais particulièrement réductrices. Car la culture brésilienne est d’une richesse extrême. Pour ne citer que la littérature, la musique et le cinéma, des trésors inestimables restent méconnus, en proie à un marché surinvesti par les cultures anglo-saxonnes dominantes, l’américaine en premier lieu, axées sur le profit.

 

En ce début du XXIe siècle, à l’ère de la mondialisation, le Brésil devrait pourtant être plus que jamais regardé d’un œil nouveau.

En interrogeant peut-être quelque peu différemment son passé, il nous serait en particulier donné de conclure que le décloisonnement du monde a commencé depuis bien longtemps. Dès le XVIe siècle, ce pays s’est en effet construit à partir d’influences humaines, donc culturelles, émergeant des univers les plus divers. Disons-le au passage, cela n’a pas empêché la société brésilienne, métissée au sens biologique du terme dès l’époque de la colonisation portugaise, de connaître, elle aussi, le fléau de la discrimination raciale. Sa longue expérience, pourrons-nous dire, fournit là aussi des éléments incontournables de réflexion à l’étranger qui, politicien, sociologue ou simple citoyen, sait regarder ailleurs pour mieux apprendre.

Les grandes villes brésiliennes, le creuset où s’impose l’invention de nouvelles approches du vivre ensemble qui tiennent compte de la ségrégation sociospatiale parfois criante, sont par ailleurs des métropoles où le dynamisme économique et la recherche d’avant-garde deviennent exemplaires. La construction du Mercosur, stimulée par la mondialisation, active à son tour les dynamiques régionales en élargissant le décollage industriel national à des marchés élargis. Cela fait du Brésil le leader dans le processus de développement économique de l’Amérique du Sud et transforme ses grandes villes en laboratoires de recherche et d’innovation sociopolitique particulièrement observés.

Pays aux ressources naturelles exceptionnelles, le Brésil joue par ailleurs un rôle fondamental dans l’avenir de l’environnement dans le monde. En termes de développement durable, il est également un modèle incontournable au niveau international.

 

L’Europe a donc tout intérêt à renforcer ses rapports avec ce pays qu’elle a d’abord dominé et qui est devenu un pays émergeant à forte croissance, intégré à la mondialisation. Les liens économiques que le Brésil accepte de tisser avec notre continent évitent qu’il se fasse phagocyter par le marché américain. Il faudrait donc que la vieille Europe, et la France en particulier, soient conscientes de cet enjeu, qui peut jouer un rôle crucial dans leur avenir.

Il nous est donc possible de mesurer la clairvoyance de Stephan Zweig qui, déjà en 1941, écrivait : « L’apport du Brésil à la civilisation est dès aujourd’hui extraordinaire ». C’est peut-être grâce à cette même clairvoyance que l’auteur de « Vingt-quatre heures de la vie d’une femme » revient tellement à la mode. C’est encore sa perspicacité qui lui a permis de reconnaître la richesse de la littérature brésilienne. Une littérature qui, plus encore que l’Histoire souvent partielle, car censurée par le pouvoir en place, est toujours l’expression par excellence d’un peuple, de ces sentiments les plus profonds, de ses fantasmes, de ses démons.

 

Espace de partage culturel convivial, la priorité de cette Association ne sera pas toujours de présenter des discussions approfondies sur un sujet donné. Elle aura comme vocation première de divulguer la culture brésilienne auprès des Français de plus en plus nombreux qui s’y intéressent et de partager des pages de culture française avec les multiples Brésiliens qui, résidents en France ou au Brésil, souhaitent l’approfondir. Elle s’inscrira donc, de cette manière, dans le renforcement nécessaire des rapports entre ces deux pays.

Il est sans doute pertinent de rappeler que, souvent pour des raisons d’ordre politique, la langue française à l’étranger n’occupe plus la place privilégiée qui était la sienne en tant que véhicule d’une culture de référence. Elle garde pour le moment sa quatrième place en tant que langue européenne la plus parlée dans le monde, derrière le portugais, qui occupe la troisième place de ce classement.

Le lien entre cette Association et le Centre transdisciplinaire d’épistémologie de la Littérature et des Arts vivants de l’Université de Nice-Sophia Antipolis (C.T.E.L.) permettra sans doute des échanges culturels nouveaux, mais que nous voudrons conviviaux et propices à l’éveil d’un intérêt plus profond envers les deux cultures. Cela saura s’intégrer sans effort à l’un des objectifs prioritaires du C.T.E.L., à savoir  le multiculturalisme et le multilinguisme autorisant la découverte d’une transdisciplinarité et d’une dimension internationale.

À son tour, le lien entre cette Association et l’Amazonie nous transmettra sans doute aussi le sentiment d’être davantage « oxygénés » au contact avec le poumon de la planète. Oxygène qui, au sens propre du terme, nous aimerions voir préservé. Accordons-nous alors le droit de rêver que l’existence de notre Association pourra contribuer, même modestement, au ralentissement de la dynamique du défrichement de la plus grande forêt équatoriale du monde…

 

Bien entendu, les artisans de ce lien amical France-Brésil sont des travailleurs ô combien actifs pour la plupart. Ils auront surtout à offrir de la bonne volonté, parsemée de joie ou de tendresse. Aimant d’une manière ou d’une autre les cultures française et brésilienne, ils s’efforceront de proposer une traversée gourmande des frontières qui éveille et attire plus qu’elle ne rassasie. Les candidats à futurs membres devront donc pouvoir partager avec nous un parcours axé sur le plaisir et l’émotion, propre à ceux qui, comme Aimé Césaire, sont sensibles au « sucre du mot Brésil au fond du marécage ». Nous nous permettrons de refuser la compagnie de ceux qui viendraient y imposer toute autre forme de présence.

 

Filomena Iooss, 2012