Le 13 Mai 1888, la Loi d’Or (a Lei Áurea) met fin à l’esclavage des Noirs au Brésil, 66 ans après l’indépendance de l’ancienne colonie portugaise (l’abolition de l’esclavage des Indiens avait eu lieu en 1775).

Le Brésil est le dernier pays d’Amérique à l’avoir aboli.

« Gargalheira », tableau de Laurimar Leal

Musée de Santarém, Amazonie

(Photo prise par F.I.)

Dans ce court texte qui représente pour nous un devoir de mémoire, il ne sera pas question d’aborder le système esclavagiste au Brésil, d’un point de vue historique ou sociologique. Sans vouloir atténuer l’immense désastre moral et physique que la période de l’esclavage signe dans l’Histoire des hommes, rappelons néanmoins que dans ce pays, à partir du XVI^ème siècle, les relations entre les Blancs et les autres ethnies ont été influencées aussi bien par le système économique de monoculture (la canne à sucre, en particulier) et de latifundium – dont le Noir a été l’instrument – que par le manque de femmes blanches chez les colonisateurs. La miscégénation nécessaire a fini par adoucir les rapports entre les maîtres blancs et leurs esclaves noires et indiennes. Certaines mulâtresses ont ainsi contrarié le système binaire seigneurs/esclaves, en devenant femmes d’intérieur, voire même épouses légitimes.

Que les mots du grand sociologue et anthropologue Gilberto Freyre constituent en ce jour une sorte d’hommage aux Africains qui, déracinés et dominés, exploités et torturés, n’ont pas cessé de créer, eux aussi avec bonheur, le Brésil d’aujourd’hui :

« Dans notre façon d’être tendre, dans notre mimique excessive, dans notre catholicisme qui est un délice des sens, dans notre musique, dans notre manière de marcher, de parler, dans les cantiques qui ont bercé notre enfance, bref, dans toutes les expressions sincères de notre vie, l’influence nègre est patente. Celle de l’esclave ou de la domestique noire qui veillait sur notre sommeil. Qui nous a allaité. Qui nous faisait manger, adoucissant souvent entre ses mains la pâtée qu’elle nous donnait. De la vieille négresse qui nous a raconté les premières histoires de bêtes ou de fantômes. De la mulâtresse qui nous tirait les vers des pieds comme si elle faisait une caresse. De celle qui nous a initié à l’amour physique et nous a donné, dans le hamac qui grinçait sous le vent, notre première impression de virilité. Du gamin de couleur qui fut notre premier compagnon de jeu. »
(Maîtres et Esclaves, 1974, traduction française de Casa-grande e Senzala, 1933)