Les ponts invisibles existent. Le temps est une partition sur laquelle nous dansons tous ; la nuit des temps est une tisseuse qui nous fait tous tourner. C’est alors qu’un nouveau matin se lève, des rencontres et des situations nous tricotent et nous font. Nous réalisons alors que nous sommes le produit d’un grand nombre de fils d’histoires qui se mélangent et que nous vivons dans une collectivité qui remonte trop loin pour ne pas en avoir le vertige. Nous sommes tous impliqués dans toutes les histoires…

Hervé Koubi essaye de démêler ceux de son histoire personnelle et nous livre un spectacle « Ce que le jour doit à la nuit ». La nuit est une tisseuse de rêves, de mots et de vies. Souvent nous séparons les choses de manière trop franche comme si certains éléments constitutifs du monde s’opposaient. Dans son spectacle, Hervé Koubi nous fait vivre des cycles, incessants et entêtants. Des gestes se répètent, on se lève et l’on se couche, la lumière devient faible et le jour revient et les corps explosent de joie. Des hommes se réunissent, des corps grimpent au-dessus d’autres qui se sont agglutinés ensemble pour permettre l’ascension d’un seul ; chaque étape qui nous semble personnelle n’est pas solitaire. Un corps s’élance au-dessus d’un groupe, il tombe, on le rattrape, on le dépose et on s’éloigne et c’est au tour d’un autre. Nous vivons dans un présent qui est perpétué par d’autres, la danse reprend. Il y a parfois de petites longueurs dans ce spectacle, il est vrai que l’on s’y ennuie un peu, mais c’est dans ce temps que je me suis retrouvé, on revient lentement à soi, puis l’intensité des corps s’entrechoquent et claquent, la course de la vie nous rattrape, nous revenons au rythme.

Chaque jour nous marchons vers notre destin mais nous oublions que nos ancêtres ont dessiné des lignes sur le sol, leurs empreintes sont durablement imprimées, on les ignore. Un peuple était là hier. Le peuple de nos gènes. Est-il possible de retrouver les contours de ce passé ? C’est ce qu’Hervé Koubi tente de faire, dessiner les routes invisibles qui nous font traverser le temps.

C’est l’image jaunie et retrouvée de son arrière grand-père qui lui a donné l’impulsion, grâce à elle, il remonte les fils de son histoire et invoque la mémoire de cet homme, toutes les mémoires viennent se joindre à la table et festoient. Une danse pour invoquer les souvenirs du passé, pour lui donner corps. Des étincelles de magie crépitent et nous sentons les odeurs, les couleurs d’un passé qui se mélange au présent. Notre mémoire fourmille et chacun retourne dans son intérieur, l’odeur des orangers, l’odeur des roses et les saveurs des épices, les plats de nos grand-mères, des moments que nous croyions perdus remontent à la surface. Comme un peintre ou un écrivain orientaliste du XIXème siècle, hier soir au TNN, je me suis baigné dans un bain de couleurs et de saveurs…

HERVE KOUBI

CE QUE LE JOUR DOIT A LA NUIT

Création  · Avec Hamza Benamar, Lazhar Berrouag, Nasserdine Djarrad, Fayçal Hamlat, Nassim Hendi, Amine Maamar Kouadri, Riad Mendjel, Issa Sanou, Ismail Seddiki, Reda Tighremt, Mustapha Zahem, Adel Zouba   Musique Maxime Bodson  et Hamza El Din  par Kronos Quartet, Jean-Sébastien Bach, musique soufie  · Lumière Lionel Buzonie  · Costumes Guillaume Gabriel  · Production Compagnie Hervé Koubi, Ballet de l’Opéra National du Rhin – CCN, Le Théâtre de l’Olivier-Scène conventionnée – Istres, Théâtre d’Arcachon-Scène conventionnée, CCN de Créteil et du Val-de-Marne – Cie Käfig, Palais des congrès de Loudéac, Centre Culturel de Vitré, Ballet Preljocaj-CCN – Aix-en-Provence  · La Compagnie Hervé Koubi  est soutenue par la Région Limousin , le Département de la Corrèze  et la Ville de Brive-la-Gaillarde  dans le cadre d’une convention triennale 2010, 2011 et 2012, par la DRAC PACA au titre de l’aide à la création , la DRAC Limousin pour la transmission des savoirs , la Ville de Cannes , le Département des Alpes-Maritimes, le service de Coopération et d’Action Culturelle de l’Ambassade de France en Algérie,  le Ballet Biarritz – Thierry Malandain.