Raoul Mille
« J’avais 17 ans quand je suis arrivé à Nice par le train de nuit avec mes parents. Avec un père nordique et une mère monégasque, né à Paris, élevé dans le Pas-de-Calais, j’aurais pu vivre bien ailleurs. Et pourtant, c’est à Nice que j’ai choisi de rester.
Nos bagages étaient notre seul bien. Ma mère serrait fort son sac à main qui contenait les économies de toute une vie. Nous avions enfin atteint ce pays de légende qu’il me semblait déjà connaître tant j’en avais entendu parler. Nous étions là, avec nos valises, sans logement, sans travail, sans idée de ce que nous allions bien pouvoir fabriquer, avec pour seule certitude celle de mon père en son éternelle bonne étoile.
[…]
Nice est une légende, un mythe. Il existe une idée, une conception de la ville que la vérité touchée du doigt n’arrive pas à tuer. Nice, c’est le soleil, la baie des Anges, célèbre dans le monde entier, ses plages de galets, mais ce sont aussi ses collines, ses jardins, ses immeubles Belle Époque.
Nice, c’est une authenticité qui rejaillit dans de nombreux quartiers, comme dans la vieille ville où l’on voyage dans le temps à travers les ruelles obscures et odorantes qui ont gardé l’animation, les couleurs et les sons de l’époque. On peut presque encore s’apercevoir, comme dans un rêve, les pêcheurs, les poissonnières, les ravaudeuses de filets, les bugadières, les marchands d’aulx et d’anchois.
Photo Jean-Louis Martinetti
Autre temps, autre atmosphère à Cimiez, le monastère respire toujours un air de Renaissance, le jardin des arènes tremble sous le vent, répandant une musique indicible, les palaces au soleil couchant peuvent encore leurrer, avec un peu de volonté le présent s’envole. Je connais des avenues silencieuses, feutrées où se nichent des villas roses et tarabiscotées, ces rues ont un parfum de XIXe siècle, de réverbères à gaz, de coches s’éloignant, de lumière trouble.
Nice, c’est une histoire intimement liée à l’art. Les écrivains, les musiciens, les peintres sont venus d’inspirer de cette lumière si particulière, de cette douceur de vivre qui laisse libre cours à la création. »
Préface de Sur les pas des écrivains, Balade à Nice et dans les Alpes-Maritimes
(Extraits)
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Né en 1941 à Paris et décédé en 2012 à Nice, Raoul Mille fut romancier, chroniqueur et journaliste.
Son œuvre littéraire fut couronnée par de nombreux prix : le prix Interallié pour son roman Les Amants du paradis, le prix Baie des Anges pour Le Paradis des Tempêtes, le prix du Soutien à la création littéraire décerné par l’Académie française pour Marie Bashkirtseff.
Sa trilogie historique sur le comté de Nice connut un grand succès.