« Ce grand souverain du Brésil est un immigrant, comme la plupart des gens riches ici. Son pays d’origine est l’Arabie ; une légende de ce pays raconte comment les bergers observèrent des chèvres, qui retournaient toujours vers les mêmes arbustes et sautillaient ensuite comme des folles. Après y avoir goûté eux-mêmes, ils en découvrirent l’effet, qui augmentait la vitalité et supprimait la fatigue. »
Stefan Zweig
Pour préparer ou compléter cette visite :
(Re)lire sur ce site l’article « La femme silencieuse », afin de passer en revue les événements qui ont conduit au Brésil le célèbre écrivain autrichien Stefan Zweig.
Les extraits que je vous propose maintenant sont tirés de son livre Le Brésil, terre d’avenir, où cohabitent élégance du style et savoir de son époque. Chez Zweig, ce dernier est fait d’écoute, de lectures et de voyages multiples à l’intérieur de ce pays qu’il aimait tant. On peut probablement lui reprocher les descriptions idéalisées de la « sociabilité brésilienne », nées de cette aisance qui y caractérise encore de nos jours les relations entre les personnes, aisance d’autant plus frappante à l’époque que les Européens s’entre-déchiraient dans les horreurs de la Guerre. L’image à la mode créée par le sociologue Sérgio Buarque de Holanda de l’ « homme cordiale » contribuait aussi à occulter des aspects bien moins luisants de la société brésilienne… soumise, là comme ailleurs, aux caprices les plus sombres de la nature humaine. Ceci étant, les pages écrites par Zweig concernant en particulier les cycles économiques brésiliens sont historiquement justes. Cela justifie que nous le suivions avec un double plaisir dans sa visite au café… qui apportera sans doute une nouvelle nuance de goût à chaque tasse que nous boirons dorénavant…
« C’est une vieille coutume dans ce pays toujours hospitalier, d’offrir, à quiconque entre, une tasse de café délicieux. On le boit autrement que chez nous : ou plutôt, on ne le boit pas, on l’avale d’un trait rapide comme une liqueur, tout brûlant, si brûlant qu’on dit qu’un chien se sauverait en hurlant, si l’on jetait quelques gouttes sur lui. Aucune statistique ne nous dit combien de ces tasses brûlantes et odorantes un Brésilien avale par jour, je suppose dix à vingt, et il est également difficile de dire où il est le meilleur.
[…]
Le roi Café, comme il faudrait appeler ce souverain noir, gouverne économiquement cet immense pays, et, de sa capitale Santos, règne plus ou moins sur tous les marchés et toutes les bourses du monde. […] Le prix mondial du café a toujours été le thermomètre de l’économie brésilienne : quand il montait, c’était la prospérité, quand il baissait, le gouvernement était forcé de brûler ou de jeter à la mer les grains si précieux. Le café a été pendant un siècle l’équivalent de l’or et de la fortune, ou de la déchéance : de son prix dépendait toute la balance commerciale du pays.
[…]
Il était de mon devoir de rendre respectueusement une visite à ce potentat puissant, qui si souvent m’avait aidé dans mon travail et tenu compagnie pendant des heures innombrables. Aujourd’hui, pour le trouver dans sa résidence, il faut voyager très loin à l’intérieur du pays, alors qu’au début il s’était établi tout au long des côtes. […] Pendant des siècles, les vallées alentour de Santos et les magnifiques parcs de Tijuca, tout près de Rio, n’étaient que des plantations de café, d’où les nègres portaient les sacs directement sur leur dos jusqu’aux bateaux. Après des dizaines d’années de production intensive, la terre se fatigua et les grains devinrent plus petits et plus faibles en arôme. Un arbuste de café atteint quatre-vingt ans, environ l’âge d’un homme. Mais petit à petit, les plantations s’étendirent toujours plus loin dans le pays, de Santos à São Paulo, puis de là à Campinas, ancienne colonie de Jésuites.
Facenda [écriture phonétique approximative du mot portugais Fazenda] – Hacienda – que nous rappelle donc ce nom si étrange et si romantique à la fois ?
[…]
La hacienda ressemble tout à fait à ces anciennes gravures qui accompagnaient le texte de nos romans d’enfance : c’est une maison à un étage, basse et plate, entourée tout alentour d’une véranda large et ombragée. Un peu plus loin se trouvent autour d’une petite place carrée les habitations des ouvriers – hier encore des esclaves – qui chantent le soir leurs chansons nostalgiques. La hacienda du maître contient encore ses vieilles boiseries et la belle vaisselle en bois de Jacarandá, qui est dur comme pierre, les coupes d’argent et les autels domestiques de l’époque portugaise, mais à tout cela vient s’ajouter le confort d’une villa moderne, le gramophone, la radio, la piscine et le terrain de tennis, sans oublier les livres les plus récemment parus (parmi lesquels se trouvent – rêve jamais conçu par l’enfant ! – les miens en bon nombre). […]
Tout autour de la hacienda, les plantations couvrent des collines mollement ondulées qui s’étendent à l’infini. Chaque hacienda est comme une île au milieu d’une vaste mer de verdure. Mais toute cette verdure monotone n’a rien de romantique ; il en est ici comme des plantations de thé à Ceylan. Les arbustes de café, tous de la même hauteur et de la même couleur, plantées en rangées régulières, font l’effet d’une colonne militaire en marche, verte au lieu de feldgrau. L’œil se fatigue vite à regarder ces collines bien peignées, et se réjouit quand un verger de bananiers, avec ses têtes hagardes qui se balancent, vient interrompre la monotonie. Or la signification de caféier ne réside pas dans sa beauté mais dans sa fécondité. […] Quelle est le secret de cette terre sombre, qui emplit chaque petit grain de café de tant de saveur et de force ?
La cueillette est simple au possible. La technique n’a encore rien inventé pour remplacer la main humaine. Comme aux temps les plus reculés, les ouvriers cueillent les grains avec la main, et chantent les mêmes chansons monotones que jadis les esclaves. Puis on verse les grains comme du sable dans des camions, qui les emportent à la hacienda, où l’on procède au lavage et ensuite au séchage en plein soleil. Des machines spéciales séparent les pelures des grains, après quoi ces derniers passent par des tuyaux de conduite et des passoires dans les sacs.
Le travail semble terminé : opération banale, comme celle d’écosser et de sécher des petits pois, et à mon grand étonnement, pas la moindre odeur ! Je m’étais imaginé qu’au-dessus des plantations de café planait un parfum aromatique et embaumait l’air, comme chaque champ de blé et chaque clairière des bois a son parfum. Mais le café reste singulièrement atone et cache opiniâtrement son arôme dans les profondeurs de ses grains. Les ingrédients, huiles et sels, restent cachés jusqu’au moment de la torréfaction. À la hacienda, les ouvriers enfoncent jusqu’aux genoux dans les grains verts, comme dans du sable ou du gravier, et si l’on avait les yeux bandés, on ne distinguerait pas si les sacs, entre les rangées desquels on vous conduit, contiennent du coton, du ciment ou du café. Cette absence d’odeur me désillusionna fortement.
[…]
Mais quand on boira chez soi, assis dans un fauteuil confortable, une tasse de ce breuvage, qui est le plus délicieux et le plus inspirant au monde, on aura la certitude de déguster le feu mystérieux du soleil tropique, contenant tous les éléments de la vie, en même temps que l’essence divine de tous ces paysages, dont chaque arbre, chaque colline, chaque baie ressuscitent comme dans un rêve et vous apportent l’appel de la nature libre et inépuisable. »
Brésil, 1941
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