2. ENJEUX POLITIQUES ET ÉCONOMIQUES
Après avoir abordé quelques aspects historiques à propos de l’immigration au Brésil, nous allons maintenant présenter des éléments de la législation la concernant, les différents types de visa existants et des chiffres montrant l’évolution de ce phénomène sociétal au fil des années, depuis la fin de la colonisation portugaise jusqu’à nos jours.
La Législation
L’entrée et la permanence des étrangers au Brésil sont réglementées par la « Loi 6.815 – Statut de l’Étranger [1] », statut créé en 1980, lors de la dictature militaire brésilienne. Cependant, le pays ne dispose pas d’un Service d’immigration. Pour obtenir un visa, les immigrants doivent en faire la demande au Département « étrangers » de la police Fédérale Brésilienne.
Selon Deisy Ventura, professeure de l’Institut des Relations Internationales de l’Université de São Paulo, le Brésil pratique encore la sélection d’immigrés, ce qui augmente la quantité de clandestins dans le pays. Depuis 2010, la Politique Nationale d’Immigration et de Protection au Travailleur Migrant gère l’obtention du visa brésilien par des travailleurs étrangers.
Les différents types de visa
Le visa est, par définition, un cachet authentique, valant autorisation de séjour, apposé sur le passeport d’un étranger par les services diplomatiques (ambassade, consulat) des pays dans lesquels le demandeur du visa désire se rendre.
Le visa permet donc le séjour d’étrangers dans le pays qui l’octroie, à condition qu’ils satisfassent les conditions prévues par la législation en vigueur. L’ Itamaraty est l’organisme responsable de la concession de visas et regroupe les Ambassades et les Consulats-Généraux.
- Le visa tourisme
Le Brésil applique le principe de réciprocité : pour tout pays qui accueille les touristes brésiliens, le Brésil fait de même. Ces citoyens peuvent donc rester dans le territoire brésilien pour une période de 90 jours. La quasi-totalité des pays d’Europe et d’Amérique du Sud (à l’exception de la Guyane Française) bénéficient du séjour tourisme sans visa au Brésil.[2]
- Le visa Temporaire
Le visa temporaire, VITEM, se divise en 7 catégories :
-VITEM I : Étudiants, chercheurs, assistants sociaux, religieux, des personnes suivant des traitements médicaux au Brésil, athlètes de moins de 21 ans.
-VITEM II : Affaires au Brésil.
-VITEM III : Performances artistiques ou sportives.
-VITEM IV : Étudiants et stagiaires.
-VITEM V : Assistance technique, contrat de travail brésilien, training dans les entreprises brésiliennes, personnel navigant.
-VITEM VI : journalistes étrangers.
-VITEM VII : missions religieuses.
- Le visa Permanent
Selon le Consulat Général brésilien, sont concernés par cette catégorie de visa les étrangers:
– Mariés à des citoyens brésiliens;
– Qui font la demande de regroupement familial;
– Retraités qui souhaitent vivre au Brésil;
-Qui souhaitent investir au Brésil.
L’immigration en chiffres
De 1808 à 1973
Entrée d’immigrants au Brésil de 1808 à 1973. Source: ADAS, Melhem. 2004, p. 282
Immigration au Brésil par nationalités et périodes. Source IBGE
Le mouvement d’entrées au Brésil s’intensifie de 1818 à 1824 avec l’arrivée des Allemands dans le pays dans la Région du Sud-est, plus précisément à Rio de Janeiro, où ils créent la communauté de la Nova Friburgo et ensuite au Rio Grande do Sul, où ils fondent de vraies villes allemandes, telles que Novo Hamburgo et São Leopoldo. Encore au Sud du Brésil, d’autres communautés allemandes seront créées à Blumenau, Joinville, Brusque et Itajai.
De 1850 à 1930, le Brésil a reçu une grande quantité d’étrangers (à partir de 1830, le Brésil était le plus grand pays producteur de café du monde et avait besoin d’une main d’œuvre considérable). Les Italiens sont le groupe d’immigrants rentrés en plus grand nombre à l’époque.
En 1875, le gouvernement a essayé de branquear le Brésil (rendre blanche la population) en favorisant l’entrée des Russes, Ukrainiens, etc., afin que le mélange des races éclaircisse les générations suivantes.
L’année 1908 marque l’arrivée des immigrants japonais. Le Brésil garde beaucoup d’éléments de la culture japonaise, surtout dans le Sud.
En 1930 , avec la crise de 1929, le gouvernement de Getúlio Vargas [3] crée la loi des quotas [4], afin de diminuer l’entrée d’immigrants pendant cette période : seulement 2% du nombre d’entrées des derniers 50 ans a été accepté – à l’exception de celle des Portugais, qui, réduite à partir de 1939, s’est accrue pendant la deuxième Guerre Mondiale. Pendant les années de dictature militaire (1964-1985) les étrangers au Brésil sont moins nombreux.
Signalons toutefois un courant d’immigration récent : la guerre civile au Liban entre 1975 et 1990 a été responsable de l’entrée d’un grand nombre de Libanais au Brésil. Pendant cette période, des Sud-Américains et des Africains entrent en masse au Brésil, de façon légale ou clandestine : les chercheurs brésiliens estiment que le pays a reçu au total au moins 600.000 immigrants clandestins.
Les Années 2000-2010
Brésil, «terre d’avenir». L’expression de Stefan Zweig [5] confirme ce que les statistiques révèlent : selon le recensement réalisé par l’IBGE [6], le nombre d’étrangers sur les terres brésiliennes a augmenté de 86,7% en 10 ans. En 2010, le Brésil a reçu 286.468 personnes de différentes nationalités :
Nombre d’immigrants en 2010
Augmentation de l’immigration depuis 2000 – Source : IBGE 2010
Les années 2010-2015
Le nombre d’immigrants sud-américains a augmenté de 57% selon le Ministère de la Justice brésilien. Depuis 2009, le nombre de Péruviens a triplé, alors que celui des Paraguayens et des Boliviens a augmenté de 75%. La grande majorité est non-qualifiée : les Boliviens travaillent dans les ateliers de couture ou font le ménage ; les Péruviens sont vendeurs ambulants ou ouvriers dans le bâtiment. Les Européens, en revanche, sont des cadres, ingénieurs ou avocats. Selon Paulo Abrão, Secrétaire national de Justice, cette augmentation se justifie pour trois raisons : le boom économique au Brésil, l’accord de résidence du Mercosul [7] et l’amnistie. Depuis 2009 le pays a amnistié 45.000 immigrants clandestins et 18.000 ont obtenu la résidence permanente. Les chiffres du gouvernement brésilien démontrent qu’au moins 300.000 personnes restent dans la clandestinité. Malgré cette forte augmentation de latinos, les plus grandes communautés sont portugaises et japonaises : plus de 4,4 millions d’immigrés depuis la fin du XIXe siècle.
Clandestins : Le problème de l’immigration clandestine haïtienne
Selon le gouvernement de l’État du Acre, depuis Décembre 2010, environ 130 000 Haïtiens sont entrés au Brésil par la frontière du Pérou (ville d’Iñapari) et s’installent de façon précaire dans les États du Pará, Acre, Amazonas, Mato Grosso et Mato Grosso do Sul. En Avril 2013, le gouvernement d’Acre a décrété la situation d’urgence sociale à cause de l’entrée incontrôlée d’immigrants clandestins par les frontières péruviennes. Cette situation de clandestinité est, en partie, la conséquence des exigences consulaires et du Ministère des Relations Extérieures en ce qui concerne l’entrée des étrangers dans le pays. Les Haïtiens quittent leur pays et leurs familles pour chercher du travail au Brésil. « Au Brésil tout est plus facile pour nous. C’est le seul pays qui reçoit les Haïtiens de façon humaine. Ailleurs c’est l’enfer. Si un Haïtien dit qu’il ne travaille pas ici c’est parce qu’il ne veut pas travailler. » (témoignage d’un clandestin.[8]).
L’assimilation, l’intégration et l’insertion
« Assimilation » : action d’assimiler, rendre semblable, considérer comme semblable ; s’incorporer. S’assimiler serait donc se considérer et pouvoir être considéré comme semblable à autrui.
L’assimilation se définit comme la pleine adhésion de la part des immigrés aux normes de la société d’accueil, l’expression de leur identité et leurs spécificités socioculturelles d’origine étant cantonnées à la seule sphère du privé. Dans le processus d’assimilation, l’obtention de la nationalité, conçue comme un engagement « sans retour », revêt une importance capitale.
Il serait imprudent d’affirmer que tout étranger est assimilé de façon immédiate et automatique dans la société brésilienne : en termes de bureaucratie, il n’est pas toujours facile de préparer un dossier de demande de nationalité, mais, dès que la régularisation a lieu, les nouveaux citoyens brésiliens peuvent compter sur l’accueil chaleureux de la population locale.
En ce qui concerne l’intégration, Le Petit Larousse la définit comme l’action d’intégrer quelqu’un ou quelque chose : « Intégrer : faire entrer dans un ensemble plus vaste ; incorporer, inclure […], s’assimiler à un groupe. Insérer une chose dans l’autre. »
Le site internet « la documentation française.fr » donne une définition plus ciblée au contexte de l’immigration : « L’intégration exprime davantage une dynamique d’échange, dans laquelle chacun accepte de se constituer partie d’un tout où l’adhésion aux règles de fonctionnement et aux valeurs de la société d’accueil, et le respect de ce qui fait l’unité et l’intégrité de la communauté, n’interdisent pas le maintien des différences. »
Quant au processus d’insertion : il est dit sur le même site que, tout en étant reconnu comme partie intégrante de la société d’accueil, l’étranger garderait son identité d’origine, ses spécificités culturelles seraient reconnues sans être considérées comme un obstacle à son intégration, dès lors qu’il respecte les règles et les valeurs de la société d’accueil.[9]
À suivre : Transculturalisme, interculturalisme et multiculturalisme au Brésil
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[1] Source: http://www.domtotal.com/direito/pagina/detalhe/387/estatuto-do-estrangeiro.
[2] Liste exhaustive des Pays dispensés de visa tourisme disponible dans le site du Consulat Général du Brésil
http://www.cgbrasil.org/Templates/InsideTemplate.aspx?PostingId=160.
[3] Getúlio Dorneles Vargas (São Borja, 19 avril 1882 – Rio de Janeiro, 24 août 1954) était un homme politique brésilien, chef civil de la Révolution de 1930 qui mit fin à la Vieille République en renversant par un coup d’État son 13ème et dernier président Washington Luís. Getúlio Vargas fut par deux fois président du Brésil. De 1930 à 1945, il gouverna le Brésil en trois phases distinctes : de 1930 à 1934 dans un gouvernement provisoire ; de 1934 à 1937 dans un gouvernement constitutionnel, élu par le Congrès national du Brésil ; de 1937 à 1945 dans le cadre autoritaire de l’Estado Novo (« État nouveau »). Surnommé « père des pauvres » par ses sympathisants et « Docteur Getúlio » par ses proches, il fut réélu au suffrage universel direct après la Seconde Guerre mondiale, exerçant la présidence de 1951 à 1954. On parle de « gétulisme » ou de « varguisme » pour désigner sa politique, et de « gétulistes » lorsque l’on se réfère à ses partisans ; son héritage politique, qui demeure controversé bien qu’indéniablement majoritaire, est invoqué aujourd’hui par au moins deux partis, le Parti démocratique travailliste (PDT) et le Parti travailliste brésilien (PTB). Source : wikipedia.fr, consultée le 02/04/2015.
[4] Cette loi fait partie de la politique nationaliste du président Getúlio Vargas : « Art. – Cette loi fédérale réglemente l’entrée d’étrangers dans le pays et en établit les conditions particulières en favorisant ou en limitant les courants immigratoires jugés utiles ou nuisibles au perfectionnement de la race ou à d’autres intérêts nationaux. » AZEVEDO, J. A. M. de. Elaborando a Constituição Nacional: Atas da Subcomissão do anteprojeto 1932/ 1933. Organização e índices: AGUIAR, P. R. M. de. Brasília: Senado Federal – Subsecretaria de Edições Técnicas, 1993, p.1017.
[5] Stefan Zweig était un écrivain, dramaturge, journaliste et biographe autrichien.
[6] IBGE : Institut Brésilien de Géographie et de Statistique, site web www.ibge.gov.br, consulté le 25/02/15. Traduction libre.
[7] Mercosul : Mercado Comum do Sul, en français MERCOSUD, Marché Commun du Sud. Cet accord de résidence autorise les citoyens du Mercosud, ainsi que les Chiliens et les Boliviens, à entrer au Brésil sans visa et à y demander une résidence provisoire. Cet accord sera étendu au Pérou et à l’ Equateur.
[8] Source : http://radiocombate.com/home/imigracao-nas-fronteiras-do-brasil/Traduction libre.
[9] Source : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/immigration/definition.shtml
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Ce sujet a été présenté par Luana Paula Sicart, étudiante à l’Université de Nice Sophia Antipolis
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