LA SOURCE QUI JAILLIT DU LABYRINTHE
Il fait doux en ce début d’année, du moins par ici. C’est toujours cela de pris, car l’année précédente a été dure pour pas mal de monde.
En tout premier lieu, je songe aux victimes humaines de la folie de leurs congénères, au Moyen Orient, en Afrique et évidemment chez nous, à Paris et ailleurs, à ces enfants fauchés dans leur innocence, à ces jeunes gens privés de futur, à ces otages décapités, à ces femmes promenées dans des cages, à toutes leurs familles et amis abasourdis par tant de malheur, à toute cette monstruosité destinée à nous effrayer, à se venger de je ne sais quoi, à montrer que l’on est sans pitié, à toute cette violence nihiliste…
Mais les hommes ne sacrifient pas que des hommes, ils font pire encore avec les animaux qu’ils élèvent avec une férocité industrielle pour les dévorer à moitié et jeter leur restes dans les poubelles, sans compter ceux qu’ils tuent pour le plaisir, quand ils en trouvent encore.
En outre, ils détruisent tout ce qu’ils peuvent, l’air, l’eau, la terre, les forêts, le pétrole, les métaux et je ne sais quoi encore. Alors c’est bien normal si toute cette voracité les fait grandir et se déplacer en nombre pour se disputer les endroits de la Terre encore viables.
En vain, on guette la moindre étincelle de modération dans ces usines qui crachent la mort à Tianjin, chez ces multinationales qui croissent jusqu’au ciel, chez ces financiers gavés de bonus. Rien ne les arrête, ni la guerre, ni la pollution, ni même l’absurdité de leur quête.
Mais enfin, ce n’est pas nouveau, l’espèce humaine fonctionne ainsi, elle a beau savoir où elle va, elle y court les yeux grands fermés.
J’imagine avec émotion ces Européens débordants de certitudes qui jouissaient tranquillement de la douceur du mois de juillet 1914 tandis que leurs dirigeants les précipitaient vers la plus atroce des boucheries. Depuis cette affaire, je ne sais pas très bien pourquoi, je ne leur fais plus vraiment confiance, à ces dirigeants.
Aujourd’hui même, il ne reste plus beaucoup d’endroits ou on se sent bien chez soi, ni à Damas, ni à Tunis, pas même dans la douce France et pas plus chez nos cousins québécois. Là-bas, c’est le meurtre de masse, ici, sans cesse s’accroit le nombre des chômeurs et le nombre des usines qui ferment, auquel se surajoute la folie meurtrière de malades mentaux qui circulent librement dans une Europe gavée d’idéaux dévoyés. Au-delà de l’Atlantique, derrière la consommation compulsive se dissimule le déficit d’espérance.
Or, depuis le tout début de son histoire, l’humanité est en mesure de supporter tous les maux à condition toutefois d’espérer, que ce soit en la vie éternelle, au succès futur de ses projets ou au mieux-être pour ses enfants.
Mais si l’espérance manque, rien ne va plus.
Aussi l’attend-on comme le Messie, aussi la guette t-on bêtement, comme si elle pouvait venir des hommes politiques qui n’en peuvent mais, tout occupés à produire des politicailleries, pire encore des medias qui grimacent leurs piteuses caricatures ou encore des intellectuels qui se contentent de nous renvoyer à notre déficit d’espérance.
Cependant, tapie à l’intérieur de chacun d’entre nous, l’espérance ne demande qu’à sourdre, comme une source qui jaillirait timidement d’un labyrinthe.
J’en ai vu les prémisses sous la cendre qui nous recouvre, prémisses de paix, prémisses de conscience écologique, prémisses de lucidité, prémisses de révolte…
Partout où elle émerge, en Corse, à Paris, à Montréal, à Damas ou à Tunis, laissons la croitre en nous gardant bien de l’écraser sous les pas pesants de la barbarie, de l’injustice, de la cupidité ou de la bien-pensance. Vous verrez alors, qu’à peine surgie, elle se renforcera sans cesse jusqu’à renverser les monts les plus formidables.
Et justement cette période difficile nous rappelle que, depuis la nuit des temps, rien ne nous chaut plus que l’espérance…