En ce jour où, pour des raisons qui ne devraient plus exister (y a-t-il la Journée internationale de l’homme ?), on estime bon d’accorder une place particulière à la femme… mon attention se tourne vers le Brésil.
Actuellement dans la tourmente politique, économique et sociale, ce pays occupe par ailleurs la cinquième place mondiale en termes de taux de féminicide (meurtre d’une femme, lorsque le mobile est le fait que cette personne soit de sexe féminin) : treize femmes environ sont mortes par jour, les acteurs de ces meurtres étant la plupart du temps leurs compagnons ou ex-compagnons. En 2014, on a enregistré environ un cas de viol toutes les 11 minutes. Compte tenu du fait que seules 10% des femmes déposent une plainte, la situation est bien plus grave encore. Le harcèlement sexuel à l’égard des femmes brésiliennes concerne quant à lui 77% environ de la population féminine. Cette violence n’est pas fonction de la classe sociale de l’homme. Aussi bien les riches que les pauvres arborent une mentalité machiste qui, transmise de génération en génération, valorisée par les hommes, excusée par les femmes, finit par s’ancrer presque « légitimement » dans les mœurs quotidiennes des Brésiliens.
C’est ce que rappelle aussi récemment l’écrivain Luiz Ruffato, à propos d’un événement qui a défrayé la chronique.
Il s’agit de la « bataille pour le port du short », chez les filles fréquentant un établissement catholique de la ville de Porto Alegre. Âgées de 13 à 17 ans, ces élèves, issues de classes sociales aisées, manifestent et font signer une pétition, depuis le 24 février dernier, dans le sens de combattre les propos discriminatoires entre filles et garçons sous-entendus dans l’interdiction du port de ce vêtement. Elles contestent en particulier l’argument selon lequel le port du short serait une « menace à la stabilité comportementale des jeunes garçons ». Plus que les revendications de ces filles, ce sont les réactions violentes de la communauté environnante qui méritent une attention particulière.
Photo : Julia Townsend
Jugé comme « futile » par une partie de la gauche (incapable d’un regard objectif envers les couches favorisées de la société) et à tendance « communiste » par une partie de la droite (tout aussi objective), cet événement questionne, comme le précise Luiz Ruffato, les différences entre « valeur morale » et « valeur éthique »… et lance un coup de projecteur sur le rôle de la femme dans la société brésilienne… dans laquelle l’avortement en particulier reste interdit. La manifestation de ces jeunes filles interroge un système éducationnel qui place la morale devant l’éthique, qui pérennise les traditions inculquées par une société machiste, qui finit par accuser les femmes elles-mêmes des problèmes de harcèlement, de viol ou de meurtre dont elles sont victimes…
Si personne n’est indifférent au sort de la femme avalée par le trou noir de ses vêtements, ni à celui de la femme-chose qui, à divers endroits dans le monde, subit de multiples manières l’oppression du mâle… nombre de personnes détourne le regard de l’hypocrisie latente dans nos sociétés actuelles.
Il semblerait important, en particulier, de dénoncer aussi la responsabilité de la femme dans la pérennisation d’une telle société conservatrice, voire fondamentaliste. Et dans nos pays « évolués », que dire également des systèmes (de quotas ou autres) qui accordent si souvent du pouvoir aux femmes se distinguant par leur opportunisme, leur incompétence enrobée de culot, leur autorité abusive, leur prétention ? Des femmes qui, au-delà d’une apparence parfois trompeuse, font le jeu de la doxa qu’elles sont censées changer ?
Beaucoup de progrès ont été accomplis dans le sens de l’accomplissement de la femme en tant qu’individu à part entière dans le couple et dans la société… grâce à l’action de certaines femmes remarquables, grâce au soutien de certains hommes exemplaires. Les différences physiques entre les sexes étant incontournables, c’est dans le respect et la valorisation de leur complémentarité vitale que nos sociétés pourront aspirer à une évolution harmonieuse. Comment le donner à comprendre à ceux et à celles qui, aux quatre coins de la planète, et sous les formes les plus variées, semblent aujourd’hui céder à l’appel nouveau de l’obscurantisme ?
______________
– « Alunas fazem mobilização pelo uso de shorts em escola de Porto Alegre »,
http://g1.globo.com/rs/rio-grande-do-sul/noticia/2016/02/alunas-fazem-mobilizacao-pelo-uso-do-shorts-em-escola-de-porto-alegre.html
– Luiz Ruffato, « A batalha do ‘chortinho’»,
http://brasil.elpais.com/brasil/2016/03/02/opinion/1456933454_142603.html