Si le caoutchouc avait enrichi Manaus et la région amazonienne, et nous avons vu à quel prix, l’histoire allait remettre rapidement en cause ces acquis.
Le bureau du caoutchouc à Manaus
L’exploitation du caoutchouc en Amazonie fut en fait rapidement remise en cause, car la ligne ferroviaire Madeira-Mamoré, dont nous avons déjà parlé précédemment, arriva trop tard.
En 1912 en effet, l’Amazonie était en train de perdre le monopole de la production de caoutchouc. À partir de graines sorties illégalement du Brésil, les arbres plantés en Malaisie, à Ceylan et en Afrique sub-saharienne commençaient à produire du latex avec une meilleure productivité, entrainant la baisse des coûts de production donc du prix, ce qui permit aux Anglais de prendre le contrôle du commerce mondial du caoutchouc, celui en provenance d’Amazonie n’étant plus compétitif.
L’économie amazonienne se mit à péricliter, d’autant plus qu’une certaine absence de vision entrepreneuriale aussi bien que gouvernementale privait les producteurs d’alternatives qui leur auraient peut-être permis de réagir.
La crise économique liée à la fin de la fièvre du caoutchouc modifia profondément l’ambiance amazonienne en raison de l’écroulement du revenu des États, de l’exode rural et de l’abandon des exploitations. Il en résulta un fort taux de chômage conduisant au désespoir des populations de la région. Nombre de travailleurs du caoutchouc, privés de travail, s’établirent dans les banlieues de Manaus et des autres villes amazoniennes, à la recherche de conditions de vie un peu plus favorables. C’est ainsi que, ne trouvant aucun endroit convenable pour subsister, ils construisirent à partir de 1920 une « ville flottante », qui se renforça encore dans les années 1960.
Pourtant le gouvernement fédéral du Brésil s’efforça de lutter contre la crise par l’institution d’une « Superintendance de défense du caoutchouc » qui révéla rapidement son inefficacité. Les Américains par l’intermédiaire d’Henri Ford eurent aussi l’idée de planter en Amazonie des arbres à caoutchouc avec des techniques nouvelles de culture et de traitement, supposées être plus rentables, mais elles échouèrent en raison, en particulier, des champignons qui attaquèrent les feuilles de ces hévéas industriels.
Peu après cependant, « grâce » à la Deuxième Guerre Mondiale, l’Amazonie vit la production du caoutchouc reprendre un nouvel âge de prospérité. Comme les Japonais contrôlaient à partir de 1942 le Pacifique Sud et surtout la Malaisie, les Britanniques virent 97 % de la production de caoutchouc asiatique leur échapper.
Il en résulta d’immenses difficultés d’approvisionnement pour les forces alliées, ce qui permit au gouvernement brésilien de proposer au gouvernement américain une opération à grande échelle d’extraction de latex en Amazonie, connu sous le nom de « bataille du caoutchouc ».