C’est le titre du récent article de Christian Makarian dans L’Express et dont l’objet me touche particulièrement : la destruction délibérée du patrimoine culturel est enfin reconnue comme acte criminel, grâce à la sentence qui fera date, prononcée le 17 août 2017 par la Cour pénale internationale (CPI).
La défense et la diffusion de la culture en toute générosité étant le but premier de ce site, j’estime devoir relayer quelques extraits de ce texte :
« La question peut paraître indécente au regard des souffrances irréparables causées par les récents attentats meurtriers de Barcelone, de Cambrils et de Ouagadougou (Burkina Faso). Mais ce sentiment ravageur – un niveau d’horreur supplémentaire relativise en permanence les autres degrés du carnage – est au coeur même de la stratégie des djihadistes de diverses engeances. Il n’en reste pas moins que la destruction du patrimoine culturel ou architectural d’un peuple fait partie intégrante du projet criminel des terroristes; aucun retour en arrière, l’islam éradicateur pour seul avenir.
C’est le projet funeste qu’Ahmad al-Faqi al-Mahdi, un des anciens dirigeants du mouvement djihadiste sahélien Ansar ed-Dine (« Défenseurs de la religion »), avait mis en œuvre dans la cité malienne de Tombouctou, prise le 1er Avril 2012 après l’insurrection touareg du nord du Mali. Avec cet élément déclencheur essentiel : en juin 2012, pour sensibiliser le monde, l’ONU avait décidé de classer Tombouctou au titre du « patrimoine mondial en péril ». En rétorsion, les envahisseurs s’étaient lancés durant six mois dans la démolition à coups de pioche des tombeaux des saints et des mausolées, considérés comme des lieux d’idolâtrie contraires à la version prétendument épurée de la foi musulmane. […] En janvier 2013, l’intervention de l’armée française (l’opération Serval) mettait fin à ce désastre.
Arrêté, al-Mahdi, juriste du non-droit, chargé de la police des mœurs, est reconnu par tous les habitants ; il avait jugé que les mausolées « n’étaient pas légaux ». Il fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), en septembre 2015, puis se voit transféré du Niger à La Haye. C’est alors la première fois que la CPI inculpe une personne pour crime de guerre pour le motif de destruction d’édifices religieux ou de monument historique : en septembre 2016, il est déclaré « coupable de la destruction » de sites classés au Patrimoine mondial de l’humanité et condamné à sept ans de prison. […] Reste la réparation du dommage ; c’est là que la CPI vient de franchir un pas historique. La sentence du 17 août 2017 fera date : Ahmad al-Faqi al-Mahdi est condamné à payer 2,7 millions d’euros à ses victimes pour les dommages causés au patrimoine du peuple de Tombouctou et du Mali (concrètement, c’est le fond pour les victimes qui devra collecter la somme). Pour la première fois, donc, la destruction d’un héritage culturel inestimable est assimilée à un crime de guerre. […]
Les juges de La Haye montrent deux nouvelles lignes de force. Premièrement, une juridiction suprême (avec ses sanctions pénales) poursuit son action bien après les faits de destruction intentionnel ; il n’existe pas d’extinction pour les crimes contre la culture, ni le moindre espoir d’oubli qui pourraient bénéficier aux criminels à coups de pioche ou d’explosifs. Deuxièmement, un message est adressé aux musulmans du monde entier, qui souffrent cruellement du besoin de justice : le patrimoine architectural et artistique de l’islam a pour destructeur les pires des islamistes et pour protecteur le droit international. »
Christian Makarian, « Crime culturel, crime de guerre »,
dans L’Express du 23 au 29 août 2017
Reste à souhaiter que ces décisions soient effectivement suivies d’effet.
Mais c’est indiscutablement une étape fondamentale qui vient d’être franchie, et dont les adeptes et défenseurs de la culture ne peuvent que se réjouir.