Que trouver de commun entre une salade niçoise, une pissaladière, une omelette de poutine, une daube, des tripes, un pan bagnat, une socca, une tourte de blettes, une stoccaficada, des pâtes vertes, un aïoli, des panisses, des raviolis, une soupe au pistou, une fougasse, des gnocchis, une krata-keka, une anchoutinada ?… Rien ! sinon que ce sont toutes des superbes spécialités niçoises.
Dans la cuisine niçoise, les influences ont été multiples, tant les conditions climatiques, géologiques, écologiques et humaines sont variées. Au sud, s’étalent les poudingues calcaires des coteaux ensoleillés du bord de mer ; au nord, les verts pâturages pré-alpins des montagnes granitiques enneigées de l’arrière-pays…
De plus, cette ville a toujours été un lieu ouvert. Des protoliguriens aux derniers arrivés, les Pieds Noirs, en passant par les navigateurs phéniciens, grecs, les envahisseurs ligures, romains, provençaux, maures, turcs, bourguignons, français, florentins, piémontais, les mercenaires des cantons suisses, les aristocrates anglais, serbes, belges, prusses, monténégrins, hollandais et russes, les immigrés nord et bas-italiens puis maghrebens ; tous y ont laissé de profondes traces.
La cuisine en reste profondément marquée. Cela explique sa diversité et sa richesse.
Les apports divers
Les raviolis, par exemple, n’arrivent à Nice qu’au quatorzième siècle provenant de Chine en passant par Gênes ou Venise. Les tomates, les poivrons, les aubergines, les haricots n’apparaissent dans les cultures qu’au dix-septième et dix-huitième provenant d’Amérique du Sud via l’Italie du sud, tout comme les pommes de terre.
Les niçois s’approprient ces préparations ou ces légumes en les transcendant. Les raviolis étaient fabriqués à partir de raves, d’où leur nom. Les niçois remplacent les raves par la blette, la daube et le persil. Le résultat est sublime…
Depuis les Incas, les tomates étaient cultivées uniquement pour… la sauce. Les niçois, les premiers au monde, osent les manger crus et confectionnent une salade dont le renom va se répandre au delà de l’Europe.
Les pommes de terre sont mangées bouillies dans toute l’Europe, les niçois inventent les gnocchis qu’ils accommodent de multiples façons. Etc…
Tout est alors dit ou… presque !.. Ajoutons seulement que les saveurs des plats niçois ont de tout temps étaient enrichies par des herbes bien particulières. Elles jouent un rôle indéniable pour raffiner le palet. En Pays Niçois, chacune a sa particularité, son emploi est spécifique. Elles ne sont jamais utilisées ensemble au point de s’annihiler. Dit-on “Herbes de Nice” comme on dit “herbes de Provence”. Le thym (férigoula), le romarin (roumarin), le laurier sauce (laurié), la sariette (pèbre d’ail) et la marjolaine (majourana) ne s’emploient pas indifféremment dans n’importe quel plat.
Même l’huile d’olive de Nice est reconnaissable parmi mille autres, puisque fabriquée avec les petites olives… de Nice.
DES RECETTES
Pour vous donner un aperçu de la diversité de la culture culinaire niçoise, trois recettes. La première est une ancienne recette du XVIème siècle que Giordan de la Peppa a retrouvé et reconstitué à l’identique : La salade Catherine Ségurane, la deuxième est une recette classique adaptée pour la rendre plus aisée à réaliser et plus diététique : les petits farcis niçois. La troisième est une recette originale sur un fond de culture niçoise : l’Anchoutinada de Giordan.
La salade Catherine Ségurane. Au XVIème siècle, une niçoise Catherine Ségurane s’illustre dans une bataille contre les Turcs payés par François Premier de France. Nice est alors une région de fort passage pour les armées ou les marchands étrangers attirés par la richesse des Villes italiennes. Les multiples relations transforment le manger quotidien. La recette peut paraître très surprenante par son mélange de produits où se rencontrent le salé et le doux. Pourtant le résultat est fabuleux.
Mon marché
300 grammes de pois chiche
200 grammes de figues sèches
200 grammes de datte
200 grammes d’oignon
100 grammes de pignons
une poignée d’olives noires
5 centilitres d’huile d’olive
poivre et sel.
Ma préparation
Je fais cuire les pois chiche et je les essore vigoureusement
Je hache les oignons très finement.
Je coupe finement des morceaux de dattes et de figues.
Je chapouille (mélange) le tout. J’ajoute pignons, huile d’olive, poivre et sel.
Les conseils de Giordan de la Peppa
Vous pouvez préparer cette salade la veille pour la laisser mariner au réfrigérateur. Ce n’est que meilleur.
Les petits farcis niçois. Cette recette était préparée traditionnellement avec les restes de viande du repas du dimanche.
Mon marché
300 grammes de daube (déjà préparée)
500 grammes d’oignons
500 grammes de blette
300 grammes de fromage râpé (parmesan ou sbrinz)
3 oeufs
romarin, poivre, sel
pain sec ou chapelure
1 dl d’huile d’olive
Ma préparation
Je blanchis les oignons et les blettes dans de l’eau bouillante pendant 10 minutes.
Pendant ce temps, je hache grossièrement la daube et je prépare de la chapelure à partir de pain sec.
Je refroidis la blette, la presse pour l’essorer et je la hache.
Je refroidis les oignons sous l’eau, les coupe en deux parties et en retire les écailles une à une.
Je prépare la farce en mélangeant la daube et la blette hachées. J’ajoute les 300 grammes de fromage râpé, les 3 oeufs, le romarin, le poivre et le sel et je mélange à nouveau.
Je remplis chaque écaille d’oignon avec la farce et la dispose dans un plat à four huilé au fond.
Quand le plat est complet, je verse la chapelure par dessus ainsi que quelques gouttes d’huile sur chaque. Je mets au four chaud (250 °) pendant vingt à trente minutes, je sers tiède.
Je prépare de la même manière des courgettes rondes, des poivrons ou des tomates. Chaque fois, je les coupe en deux, je les évide et les remplis de farce. Les courgettes peuvent être légèrement blanchies au préalable.
Les conseils de Giordan de la Peppa
Vous pouvez faire une farce plus onctueuse en ajoutant du pain trempé dans du lait.
Vous pouvez réaliser des farcis plus diététiques et de façon plus facile en préparant la farce en mélangeant les 300 grammes de jambon, 200 grammes d’épinards et les 300 grammes de fromage râpé.
Vous pouvez également innover en réalisant des farces uniquement végétales avec diverses salades et du fromage ou encore des farces aux poissons.
Anchoutinada de Giordan de la Napoule. Cette recette propose une alternative à une recette niçoise célèbre : l’omelette de poutine. La poutine est un ensemble d’alevins de poissons, sa récolte contribue à la désertification de la mer. La préparation est tout autant délicieuse, mais plus écologique.
Mon marché (4 personnes)
– 500 grammes d’anchois frais
– 8 oeufs
– 4 branches de persil
– 2 gousses d’ail
– 50 grammes de mesclun
– huile d’arachide et huile d’olive
– sel, poivre
Préparation : 10 minutes
Cuisson : 10 minutes
Ma préparation
Je commence par vider et laver les anchois à l’eau.
Je sépare les filets de l’arête, puis je les laisse égoutter sur une planche.
Je les broie ensuite dans un mixer avec le persil -je ne laisse pas trop de queue-, le mesclun, l’ail, le sel et le poivre.
Je bats les oeufs dans un saladier et j’y incorpore le hachis d’anchois et d’herbes.
Voilà, il ne me reste plus qu’à faire cuire dans un peu d’huile d’arachide, bien chaude à laquelle j’ajoute une demi cuillère à café d’huile d’olive.
Je sers l’anchoutinade de Giordan soit froide, soit tiède sur un fond de salade assaisonnée à l’huile d’olive, sans vinaigre (de préférence du mesclun, des pissenlits ou des feuilles de chênes). A la rigueur, je peux présenter une petite frisée.
Les conseils de Giordan de la Peppa
Il s’agit d’un plat que nous vous recommandons, car il est véritablement excellent, à l’égal de la célèbre omelette de poutine. Beaucoup de nos « invités » les ont souvent confondus ou l’ont trouvé meilleur. Quant au rapport qualité- prix, n’en parlons pas !
Dans le même style, vous pouvez utiliser des sardines fraîches ou des rascasses.
Essayez, une fois, de le faire avec des rougets barbets : vous devrez passer un peu plus de temps pour lever les filets des poissons et surtout enlever les arêtes.
Pour en savoir plus
Giordan de la Peppa et José Maria, La cuisine niçoise à la carte, Au Pays rêvé, 2016