« AZUR » ! Voilà le thème qui nous a réunis hier au JAM…

Animé par Gabriel Grossi, jeune universitaire né à Nice, au cœur même de l’Azur, entre ciel et mer, cette rencontre a éclairé davantage les sens multiples de ce mot si joliment poétique.

Choisi comme deuxième composante du nom de notre Association, il y signifie notre liaison à la Côte d’Azur et à la langue française. Cela en contrepoint avec la première composante de « Brasil Azur » qui, volontairement écrite en portugais, montre bien le pont que nous avons souhaité construire entre deux pays aimés : deux cultures et deux langues, unies par la couleur de l’océan qui les sépare….

 

 

 

Affiche réalisée par Thierry Dardanello

 

 

Très sensible à la poésie de Jean-Michel Maulpoix, où les motifs du bleu, du ciel et de la mer sont essentiels, Gabriel a voulu partager avec le sympathique public de ce « chocolat littéraire de l’été » ses coups de cœur poétiques…

 

 

 

 

« L’Azur ! L’Azur ! L’Azur ! L’Azur ! » scandait Mallarmé dans l’un de ses plus célèbres poèmes. Pour Paul Éluard, « la terre est bleue comme une orange ».

 

L’azur et le bleu sont donc bien présents dans la poésie moderne, tout comme ils nous entourent dans notre quotidien. Linguistes et historiens nous apprennent l’histoire du mot et de la couleur qu’il désigne. L’Azur de notre Côte (expression inventée par Stephen Liégeard à la fin du XIX^e siècle, comme nous pouvons le lire dans le texte De couleur bleue de notre site) vient d’un mot arabe désignant le « lapis-lazuli ». Le mot « bleu » n’est pas non plus d’origine latine, mais germanique. Si les Romains, en effet, s’intéressaient peu au bleu, la couleur prit de l’importance à partir du Moyen-Âge. Couleur du manteau de la Vierge dans de nombreuses représentations iconographiques, couleur des blasons fleurdelisés français, le bleu est aujourd’hui la couleur du drapeau de l’Union Européenne comme celle des « casques bleus ». Le bleu romantique n’est pas sans liens avec le blues. On peut encore mentionner les blue jeans, pantalons de travail avant de s’intégrer dans le vestiaire quotidien. L’importance du bleu apparaît encore en peinture. Souvenons-nous des Nus bleus de Matisse, de la période bleue de Picasso ou du célèbre bleu Klein.

 

 

Yves Klein, Relief éponge bleue, 1957

 

 

Les poètes, donc, ne sont pas en reste. Outre Mallarmé et Eluard, on peut mentionner Rimbaud, qui attribuait une couleur à chaque voyelle. Pour Rimbaud, la lettre O est bleue. Peut-être par jeu de mots sur l’eau bleue ? L’O bleu annoncé au vers liminaire devient « l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux » à la fin du sonnet. On peut aussi penser à ce poème, unique en son genre, d’Apollinaire : « Et l’unique cordeau des trompettes marines ». En outre, des poètes comme Hugo, Baudelaire, Saint-John Perse… accordent une importance non négligeable à la mer.

 

 

Surtout, Jean-Michel Maulpoix fait du bleu un motif essentiel, notamment dans « Une histoire de bleu » (1992) et « L’instinct de ciel » (2000), réunis en 2005 dans la collection Poésie/Gallimard. Ce poète contemporain, défenseur d’un « lyrisme critique », trouve les mots justes pour décrire la fascination de la mer et la beauté du bleu. Avec lui, « nous rêvons à des estuaires, des tumultes, des ressacs, des embellies et des marées ».

 

Les femmes aux yeux noirs ont le regard bleu.

Bleue est la couleur du regard, du dedans de l’âme et de la pensée, de l’attente, de la rêverie et du sommeil.

Il nous plaît de confondre toutes les couleurs en une. Avec le vent, la mer, la neige, le rose très doux des peaux, le rouge à lèvres des rires, les cernes blancs de l’insomnie autour du vert des yeux, et les dorures fanées des feuilles qui s’écaillent, nous fabriquons du bleu.

Nous rêvons d’une terre bleue, d’une terre de couleur ronde, neuve  comme au premier jour et  courbe ainsi qu’un corps de femme.

[…]

Ne croyez pas que ce bleu soit sans douleur.

[…]

Lorsque le cœur ne nous bat plus, nous guettons le grand large dans les flaques de la rue afin d’y laper notre misère et d’offrir à notre désir un semblant de ciel. Parfois nous regardons intensément les yeux de nos semblables, espérant y trouver la mer et y sombrer brièvement.

[…]

Nous sommes ici pour peu de temps : quelques mots, quelques phrases, si peu sous les étoiles, rien que cela parmi tout le reste. Du bleu dans la bouche, jusqu’à la dernière heure.

Jean-Michel Maulpoix, Une histoire de bleu

 

 

Béatrice Bonhomme, qui accorde également une certaine importance à la mer, voit quant à elle dans l’image du « nu bleu » une manière de définir sa poésie.

 

Tu étais là aux premières lueurs
de mes yeux
les gestes étaient ceux poignants
de l’évidence et de la neige
c’est toi
c’est toi qui m’as emmené
tu as dit c’est beau
la mer le chemin de la mer
et les reflets si bleus dans mon regard de lac

Béatrice Bonhomme, Les Gestes de la neige

 

 

Le thème de ce Chocolat littéraire a également suscité des allusions cinématographiques chez le plus cinéphile de nos auditeurs.

 

 

 

 

 

Juliette Binoche a été évoquée dans « Bleu »…

 

 

« Le Grand bleu », de Luc Besson, n’a pas non plus été oublié…

 

 

 

 

Cette rencontre, riche en échanges et lectures passionnantes, a pu insinuer à quel point la poésie s’inspire du quotidien… qui pourtant nous semble parfois en être exempt ! Raison de plus pour continuer à « regarder », pour continuer à « goûter »… Quelqu’un disait que la vie n’a pas de sens, mais qu’elle a du goût ! Et que le goût de la vie suffit à escamoter le sentiment du « À quoi bon ? ».

 

N^ème-démonstration immédiate : le délicieux chocolat préparé par les soins de Christophe Foulon, notre aimable hôte et fidèle partenaire !